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Et ce n’est pas tout : la soif nous dévore. Nous n’avons plus de vin. Après bien des recherches, nous trouvons une petite mare qui se cache sous les lianes, à peine suffisante pour abreuver le merle qui fuit à notre approche ; mais son eau est renouvelée à chaque seconde par une goutte qui tombe du rocher. Nous nous empressons de nous y désaltérer et d’y remplir notre flacon.

Nous y mouillons aussi nos chaussures, afin de les rendre moins glissantes sur ces herbes desséchées qui empiètent même sur les sentiers.

Nous regrettons de n’avoir pas emporté quelques citrons, ils eussent calmé notre soif et purifié cette eau prise à tout hasard.

Un peu reposés par ces libations monastiques, nous continuons.

Un merveilleux panorama s’étale à nos côtés. C’est la pointe de Pouldon dans une brume opaline, c’est celle de Saint-Marc avec le mastodonte qui garde l’entrée de la grotte, puis les rochers plus rapprochés d’Herlin, enfin l’île de Bangor. Elle nous apparaît comme un gigantesque vaisseau ayant un mage au bonnet magistral à la proue.

Et la mer s’étale à l’infini, toujours bleue, toujours murmurante : elle caresse aujourd’hui ces rochers qu’elle escalade si souvent en furie en les couvrant de son écume neigeuse.

Kérel nous offre une belle grève aux dunes fleuries, aux coteaux précieux par la présence de l’isœtes hystrix, cette plante rare de l’île. Deux vallées s’y bifurquent. Au-dessus de l’une d’elles, deux maisonnettes blanches sont blotties dans les tamaris, ces délicieux arbustes au feuillage léger qui balancent leurs fines aigrettes de fleurs roses sur les côtes les plus escarpées.