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cadence ses sabots l’un contre l’autre, le second en fait autant à l’aide de faucilles.

— Que font-ils ? questionne Pierre.

Je réfléchis.

— Ils rassemblent des abeilles sans doute.

Je les interpelle ; j’ai bien deviné. Des abeilles affolées tourbillonnent au-dessus de nous, jetant une note d’or dans l’azur. Nous conservons le plus grand calme en traversant la meute ailée pour en éviter les dangereuses piqûres.

Je demande à ces hommes le nom de la pointe qui se profile à l’horizon.

— C’est celle de Pouldon, me répond l’un d’eux.

Je faillis me laisser choir sur l’herbe tant ma déception fut grande. Malgré les splendeurs qui m’entourent, je voudrais bien gagner la plage hospitalière afin de m’y reposer en déjeunant ; mes jambes sont lasses et mon estomac crie famine. Et combien de côtes à descendre et à remonter !…

Mais le spectacle est si beau que je me reprends à admirer encore, et je continue vaillamment ma route.

Après une descente pénible, nous nous arrêtons un instant pour nous réconforter. Nous mangeons du chocolat en l’arrosant parcimonieusement d’un peu de vin blanc ; les villages sont loin, et nulle source ne bruit aux environs.

Des corneilles choucas, aux becs et aux pattes rouges, caquettent sur les rochers ; elles fuient à notre approche de toutes leurs ailes frangées d’un noir brillant. Un goëland, blessé sans doute, nous regarde, mélancolique ; il nous quitte bientôt en se traînant. Cette vue m’attriste.

Ce goëland me rappelle celui de Barbey d’Aurevilly. « ce farouche reclus enfermé dans une cour aux quatre