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tances[1], et l’homme actuel ne peut vivre sans elle et hors d’elle.

On ne saurait, sans fausser l’ouvrage et rendre le personnage de Rousseau inintelligible, négliger une des deux affirmations.

La société est un état déplorable et un état nécessaire : Rousseau en est là en 1754, dans sa réaction éperdue contre la société française.

Son voyage à Genève, en cette même année, après la rédaction de son discours, le remit dans un train de sentiments différents. Il quittait une brillante aristocratie où tout le froissait, et il retrouvait la petite république cordiale et saine de Genève : il la vit à travers la joie que lui donna l’accueil de ses compatriotes.

Des sentiments anciens se réveillèrent en lui. Ses médiocres épîtres en vers nous montraient dès 1741-1742 un esprit républicain ; dès ce temps il aimait les mœurs égalitaires, la liberté démocratique.

Peut-être, comme il nous le dit, avait-il eu l’idée, dès 1743-1744, à Venise, de faire un ouvrage de politique : j’imagine pourtant que le dessein de ses Institutions politiques ne se précisa qu’après 1748, et que ce fut l’Esprit des Lois qui lui donna le désir d’opposer à la monarchie aristocratique et hiérarchisée du Français libéral, la vraie liberté, la liberté égalitaire de la cité démocratique.

La révolte de 1750-1752 contre la société française,

  1. En insistant sur ce que l’état de nature aurait pu durer indéfiniment, Rousseau veut seulement exclure l’idée d’une prédestination de l’homme à la vie sociale ; elle n’a pas été un effet de sa nature, mais un effet du milieu. Il ne s’y est pas épanoui, mais transformé.