Page:Annales de l universite de lyon nouvelle serie II 30 31 32 1915.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est dans « Le Château de Mansfield » que, parlant de la douceur de l’amour fraternel dans une de ces phrases suggestives dont elle a le secret, Jane Austen dira que parfois « il compte pour presque tout ». Et, aux dernières pages de « Persuasion », elle met dans la bouche de la douce Anne Elliot des paroles qui ont la valeur d’une confidence : « Je ferais une pitoyable erreur si je me permettais de supposer qu’une constance et un attachement inébranlables sont l’apanage de la femme… Je vous crois, messieurs, capables de tous les efforts et de tous les sacrifices aussi longtemps que celle que vous aimez est vivante et qu’elle vit pour répondre à votre amour. Le seul privilège que je réclame pour mon sexe — vous n’avez pas besoin de le jalouser, car il est peu enviable — est d’aimer plus longtemps, alors que la vie ou l’espoir ont disparu ». De ce bref épisode sentimental, il ne resta bientôt dans la vie de Jane Austen que des souvenirs et des regrets sans amertume. Rien ne fut changé au cours paisible de son existence, mais la sympathie et la tendresse que l’amour avait éveillées en elle, laissèrent dans la seconde moitié de son œuvre leur trace lumineuse et parfumée.