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à se répartir l’espace. Dans ces groupements, qui sont l’aspect normal sous lequel se présente et se grave dans nos yeux la physionomie du paysage, chaque plante s’est arrangée avec ses voisines pour avoir sa part de sol, de lumière, de nourriture. Les êtres viennent s’associer et s’unir, « trouvant avantage et profit dans les conditions déterminées par la présence des autres »[1].

Une forêt est une sorte d’être collectif où coexistent, dans une harmonie provisoire et non à l’épreuve des changements, des arbres, des végétaux de sous-bois, des champignons et une foule d’hôtes également attitrés, insectes, termites, fourmis. Ainsi les choses se présentent à nous en groupes organisés, en associations régies par un équilibre que l’homme dérange incessamment ou, suivant les cas, redresse, en y portant la main.

L’idée de milieu, dans ces expressions diverses, se précise comme corrélative et synonyme d’adaptation. Elle se manifeste par des séries de phénomènes qui s’enchaînent entre eux et sont mis en mouvement par des causes générales. C’est par elle que nous sommes incessamment ramenés à ces causes de climat, de structure, de concurrence vitale, qui donnent le branle à une foule d’activités spéciales des formes et des êtres.


V. — la méthode descriptive.


On peut juger, par ce qui vient d’être dit, quel rôle capital joue en tout ceci la description. La géographie se distingue comme science essentiellement descriptive. Non pas assurément qu’elle renonce à l’explication : l’étude des rapports des phénomènes, de leur enchaînement et de leur évolution, sont autant de chemins qui y mènent. Mais cet objet même l’oblige, plus que toute autre science, à suivre minutieusement la méthode descriptive. Une de ces tâches principales n’est-elle pas de localiser les divers ordres de faits qui la concernent, de déterminer exactement la position qu’ils occupent, l’aire qu’ils embrassent ? Aucun indice, aucune nuance même ne saurait passer inaperçue ; chacune a sa valeur géographique, soit comme dépendance, soit comme facteur, dans l’ensemble qu’il s’agit de rendre sensible. Il faut donc prendre sur le fait chacune des circonstances qui les caractérisent, et en dresser exactement le bilan. Dans le riche clavier de formes que la nature étale à nos yeux, les conditions sont si diverses, si entre-croisées, si complexes qu’elles risquent d’échapper à qui croit trop tôt les tenir. Deux écueils sont particulièrement à craindre : celui des formules trop simples et rigides entre lesquelles glissent les faits, et celui des formules à tel point multipliées qu’elles ajoutent à la

  1. Voir Ch. Flahault, La nomenclature de la géographie botanique (Annales de Géographie, X, 1901, p. 260-265).