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ANNALES DE GÉOGRAPHIE

maisons à trois et quatre étages étaient divisées par des rues droites, avec des descentes au fleuve fermées par des poternes de bronze, etc. Telle était la Babylone d’Hérodote, et voici la cité de Gadiros :

La butte centrale, dont le dernier fossé faisait une île, — dit Platon, — avait cinq stades de diamètre ; elle était entourée d’une enceinte de pierre avec des tours et des portes sur les ponts où passait la mer. Ils avaient tiré la pierre des pourtours de l’île et de dessous les anneaux intérieur et extérieur ; il y en avait de la blanche, de la noire et de la rouge, et, en même temps qu’ils extrayaient la pierre, ils creusaient en dedans de l’île deux bassins pour navires, qui s’enfonçaient sous la voûte du rocher… Ils revêtirent de bronze, — comme d’un enduit, — la muraille de l’enceinte extérieure, d’étain fondu la muraille intérieure et d’orichalque aux reflets de feu l’enceinte de l’acropole.

De même que la Babylonie était, par excellence, la terre de l’asphalte, les mines de la Bétique avaient fait de la Tartessos légendaire, puis de la Gadira historique le marché du bronze, de l’étain et de l’orichalque. Et peut-être Platon avait-il déjà sur la pierre de Gadès les mêmes renseignements que, au début du XVIIIe siècle, le P. Labat donnait sur les murailles de Cadix (Voyage en Espagne, I, p.  233) :

Les murailles de la ville sont composées en partie de briques, mais plus communément d’une pierre que l’on prend dans la mer : elle est grise et elle a le grain fort gros ; elle est fort trouée et inégale et semble n’être que du sable amoncelé et congelé. Elle est tendre quand on la sort de l’eau… On en tire des quartiers fort gros et les dehors de la ville, du côté de l’Est que la mer découvre en se retirant, en sont tous remplis.

Aristophane dans les Oiseaux avait ouvertement raillé les dires d’Hérodote : sa muraille de Coucouville-les-Nuées était assez large « pour que, sur le faîte, Proxénidès de Blagueville et Théogénès pussent faire croiser leurs deux chars attelés de coursiers aussi grands que le cheval de Troie » (v. 1125-1129). Sur le modèle d’« une ville fortunée de la mer Rouge » (v. 144-145), le Pisthétairos, un personnage des Oiseaux, projetait et faisait bâtir une cité sphérique, une polis polique (v. 181-184). Polos-polis, avait dit Aristophane avec un gros calembour : tropostrochos, aurait dit ensuite Platon… Méton, l’arpenteur des Oiseaux, expliquait comment il dresserait le plan avec une règle et un compas (v. 1000-1009) :

Puis je prendrai mes dimensions avec une règle droite que j’appliquerai de façon que le cercle devienne carré : au milieu, l’agora avec des rues droites qui y convergent et en partent, comme, d’un astre rond, partent en tous sens les rayons droits.

« Comparez le plan de Thurii dessiné par Hippodamos de Milet », répètent avec Willems les éditeurs et commentateurs d’Aristophane[1].

  1. V. Coulon et H. Van Daele (Aristophane, III, p. 72), qui renvoient à E. Curtius, Hist. grecque (trad. Bouché-Leclercq), I, p. 546.