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N° 213. — XXXVIIIe année.
15 mai 1929

ANNALES
DE
GÉOGRAPHIE



L’ATLANTIDE DE PLATON

Aux temps homériques, les Hellènes, auditeurs des aèdes, avaient connu Calypso, « fille de cet Atlas aux perfides pensées qui connaît de la mer entière les abîmes et qui veille, à lui seul, sur les hautes Colonnes qui gardent, écarté de la terre, le ciel » (Odyss., I, 52-54). Aux temps romains, Pline (VI, 36,2) entendait parler d’une île Atlantide, située au pied du mont Atlas, traditur insula contra montem Atlantem et ipsa Atlantis appellata. Mais, pour l’antiquité classique, la seule et véritable Atlantide fut celle que Platon avait décrite en ses deux dialogues du Timée et du Critias ; géographes et philosophes, avec Posidonios et Strabon (II, 4, 6), admettaient le prétendu récit de Critias, touchant l’existence antérieure et l’effondrement de cette Atlantide.

Ce fut désormais de cette Atlantide platonicienne que rêvèrent les Hellènes, puis leurs disciples de Rome et de l’Occident : c’est elle qui, depuis vingt-trois siècles, hante les cerveaux de l’humanité blanche. Comme les philosophes d’Athènes et d’Alexandrie, tous les savants du moyen âge, chrétiens, arabes ou juifs, firent du Timée un de leurs livres canoniques : ils le connaissaient, le lisaient et relisaient, sinon dans le texte, du moins dans la traduction latine, que Chalcidius en avait donnée au vie siècle de notre ère, et l’une de nos écoles françaises, l’École de Chartres, avait entrepris de concilier la cosmogonie du Timée avec la création de la Genèse. La Renaissance mit plus haut encore ce livre, qui fut tenu désormais pour le compendium de la doctrine platonicienne : quand Raphaël voulut installer Platon dans son École d’Athènes, ce fut le Timée qu’il lui mit à la main.

Dès la fin du xvie siècle néanmoins, Loys Le Roy, le premier traducteur français du Timée, déclarait que Platon n’avait « récité » cette histoire que « pour l’honneur de son pays et pour monstrer l’antiquité du monde ». Mais l’opinion contraire prévalut, et, durant deux siècles