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mines même étaient pour lui des Papous, malgré leur brachycéphalie puisque l’on peut trouver des types de transition[1]

Il ne s’agissait donc pas seulement de mettre une étiquette sur une population locale ; le problème a une portée plus large, et il importait de le résoudre avant que de passer à toute question de localisation des Négritos. Il fallait retrouver sur place les petits nègres de Macinnes, de Crawfurd et d’Anderson, qui, près d’un demi-siècle auparavant, avaient paru ressembler aux Andamanais.

La région à fouiller dans ce but était assez nettement indiquée : c’était le centre même de la Péninsule, à la limite nord du protectorat anglais ; c’est de là que provenaient les individus qu’on avait vus à Pinang. Les légendes indigènes recueillies par divers voyageurs parlaient dans le même sens, et de Quatrefages avait indiqué ce point d’une façon très précise.

Un document plus récent confirmait ces indications. M. Claine a vu, en 1891, un de ces spécimens sporadiques, cette fois de l’autre côté de la Péninsule, mais à peu près sous la latitude de Poulo-Pinang chez le radjah de Singora, qui le gardait comme une bête curieuse ; M. Claine en donne même le portrait[2].

Seulement ce grand massif montagneux est encore inexploré et il est couvert de forêts vierges qui en rendent l’accès fort difficile. Heureusement, j’ai pu trouver des tribus suffisamment nombreuses et bien caractérisées sans y pénétrer bien avant. J’avais entrepris de l’aborder par le versant sud, par le royaume du Pérak, qui est entre les mains des Anglais, et où je pensais, avec raison, trouver plus de commodité que de l’autre côté. Après un certain nombre de démarches infructueuses, M. Aylesbury, de Taï-ping, qui avait fait parfois de longues courses dans les forêts à la chasse du gros gibier, m’indiqua deux endroits où il avait rencontré des campements de petits nègres ; ses indications me permirent de retrouver ces campements, et, chose plus délicate, d’y examiner les aborigènes sans que ceux-ci prissent la fuite à mon approche ; pour ces relations diplomatiques avec les sauvages, M. Cox, magistrat de Sélamak, me prêta un concours précieux, et je dois à ces deux messieurs le succès de cette partie de ma mission.

Les deux campements étaient situés dans le massif du Gounong-Inas, qui sépare le bassin du Krian d’avec la haute vallée du Pérak ; le premier, sur le flanc ouest de la montagne, à l’origine de la Sélamak, affluent du Krian : le second sur le flanc est, non loin du village malais de Sumpitan. La ligne de partage, restée vierge entre deux territoires

  1. Die Papuas der Insel Lüzon, 1874, p. 22, analysé dans Revue d’Anthropologie, 1875, p. 553.
  2. L’indication de provenance de cet échantillon, bien qu’assez vague, concorde avec les précédentes. « Il a été capturé, dit le voyageur, dans les montagnes du Kalantan, où ses congénères, au nombre d’une vingtaine de mille, vivent sur les arbres » (Tour du Monde, 1892, 1er Sem., p.388)