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population noire apparaît comme plus ancienne que les populations actuelles, comme la plus ancienne des populations qui l’entourent. Si l’on admet que toutes ces indications souvent bien vagues, se rapportent à des Négritos, l’aire de cette race se serait ainsi étendue sur un espace allant en longitude du fond du golfe Persique à la Nouvelle-Guinée et remontant au nord du Japon[1].

Une telle hypothèse est extrêmement intéressante, mais elle n’est qu’une hypothèse. L’autonomie de la race négrito et surtout son extension sont fort contestées. Ainsi qu’on peut le voir par ce que nous venons d’en dire, ces indices de la présence des Négritos dans la plupart des points de leur domaine supposé, manquent de précision ; sur quelques points même, il est certain qu’on s’était laissé entraîner par l’attrait d’une race si particulière ; certains auteurs voyaient du Négrito partout ; tel est le cas par exemple des Veddas de Ceylan que l’on avait donnés comme un des types de la race, à une époque où l’on ne connaissait pas leur indice céphalique. Or, s’ils sont petits, noirs, s’ils ont les cheveux crépus ou tout au moins bouclés, ils sont dolichocéphales[2]

II

En 1892, sur les conseils de M. Marcel Dieulafoy, j’ai entrepris de contrôler et de relier entre elles dans la mesure où cela me serait possible pendant le temps dont je pouvais disposer, les diverses observations sur la question Négrito. Le ministère de l’instruction Publique voulut bien me charger d’une mission à cet effet. Les moyens matériels d’accomplir cette mission m’étaient fournis dans des conditions exceptionnelles par la générosité de Mme Jules Lebaudy ; celle-ci, en effet, mettait à ma disposition son yacht la Sémiramis, navire à vapeur d’environ cinq cents tonneaux, marchant onze nœuds, et monté par vingt-sept hommes d’équipage. Diverses circonstances empêchèrent le navire de quitter la France avant la fin de novembre ; dans la mer Rouge le mauvais temps l’obligea à relâcher à Massaouah et les craintes du capitaine l’ayant retenu dans ce port jusqu’au milieu de février 1893, je n’ai pu finalement disposer pour la mission que de dix mois, de mars à décembre 1893. Dans un si court espace de temps,

  1. C’est vers 1865 que de Quatrefages, dans son enseignement du Muséum, commença de poser la question des Négritos ; en 1887, il a fait paraître sous ce titre : les Pygmées, un petit livre facile à lire, presque un livre de vulgarisation, mais qui n’en est pas moins un excellent exposé de l’état de la question ; c’est d’après ce livre que nous venons d’essayer de la résumer en quelques lignes ; nous y renvoyons le lecteur pour la bibliographie correspondante.
  2. Voyez, en particulier, l’ouvrage récent, si documenté, des frères Sarasin : P. et F. sarasin, Ergebnisse naturwiss. Forsch. auf Ceylan. IIIer Band. Die Weddas von Ceylan und die sie umgebenden Völkerschaften, Wiesbaden, 1893.