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ÉCONOMISTES ET HISTORIENS 87

la mort a interrompu son œuvre. I cherchait à définir des types. Qu'enten- dait-il au juste par là ? Ces types n'auraient rien de commun avec les genres où les espèces des sciences naturelles, non plus qu'avec les notions générales sur lesquelles reposent le droit et la jurisprudence. Les termes : état, nation, société coopérative, société par actions, lui paraissaient impropre, parce qu'ils laissent supposer qu'il existe des personnalités collectives. 11 voulait rester plus près du monde sensible, et décrire les formations collectives comme des assemblages d'individus qu'une force, quelle qu'elle soit, motifs psychiques, pression extérieure, ou l'un et l'autre, contraint d'agir d'une certaine façon. L'essentiel était que l'observateur pôt rencontrer, sur toute la terre, des tyres de groupements et d'actions semblables. Derrière cette conception un peu incertaine, on devine du moins un sens assez juste de l'insuffisance des notions traditionnelles

Le terme charismatisme (du gree : charisma, grâce) que Weber a inventé, et qui revient souvent sous sa plume, paraît avoir eu un certain succès en Allemagne. Par là il entend le caractère religieux et surnaturel qu'on attribue à tels individus consacrés, à telles lois révélées, et qui explique plusieurs traits de l'organisation politique ou économique dans des sociélés peu avancées. Au charisma, et aussi à la tradition, s'oppose le rationalisme, qui est essen- iellement occidental. C'est le rationalisme qui a donné naissance aux consti- tutions politiques et à l'administration bureaucratique des États modernes, aux formes juridiques du droit, aux formes techniques de la comptabilité. C'est la science rationnelle qui a permis de calculer exactement les facteurs techniques du capitalisme. C'est l'union du rationalisme théorique et pratique qui distingue la civilisation moderne de la civilisation antique (qui n'a connu avec les Grecs que le rationalisme théorique), et c'est encore Je rationalisme qui distingue l'une ct l'autre des civilisations asiatiques ?,

La généralité de ces vues ne doit pas faire oublier Ja masse considérable de faits réunis dans cet ouvrage. Cette étude historique et comparative de toutes les civilisations qui nous sont maintenant accessibles élargit singuliè- rement notre horizon économique. Elle nous habitue à replacer les institu- tions qui nous entourent dans un ensemble très vaste dont elles ne consti- tuent apparemment qu'une faible partie. Weber passe en revue les divers groupes domestiques, les elans, les groupes religieux, juridiques, urbains, etc., et relève leurs caractères économiques. 11 étudie d'autre part les faits écono- miques dans leurs rapports avec les diverses sortes de prééminence sociale, en particulier avec les elasses sociales. Nous ne pouvons qu'indiquer en gros le caractère et le contenu de ce volume de plus de 800 pages, dont une étude de détail révélera seule la richesse et l'originalité

On Lrouvera dans le livre de Marianne Weber (p. 525 à 670) quatre cha- pitres très nourris et vivants sur l'attitude et l'activité de Max Weber pen- dant la guerre et la révolution. Rappelons seulement qu'il accompagna la délégation allemande à Versailles en mai 1919, et que, lorsque se posa la question de la responsabilité de la guerre, il fut chargé officiellement, en








4. Ces idées sont reprises et développées dans le dernier cours professé par Max Weber en 4920, qui a été publié après sa mort : Wärtsché/tspeschichte, abrêvé de l'histoire éco- nomique et sociale universelle, reconstitué d'après les noten de ses auditeurs et publié par $. Hellmann et M. Palyl, Münehen und Lelpzle, 1929, xiv-348 p. Voir notre compterendu “Année sociologique, nouvelle sérle, tome 1, 1926, D. 749. �