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LES PLANS PARCELLAIRES si

toire d'un village, sans avoir même jeté les yeux sur la carte cadastrale, c'est se priver, de gaieté de cœur, d'un instrument entre tous efficace ; pourtant, combien de fois cette erreur n'a-t-elle pas été commise | En inscrivant les plans parcellaires en tête de nos enquêtes, nous nous proposons la réparation d’un trop long oubli.

Cette raison, si forte soit-elle, n'est d’ailleurs pas la seule qui ait déterminé notre choix. Nous ne nous bornerons pas aux plans français. Les collabora- tions, qui sont amicalement venues à nous, permettront d'étendre, dès les pro- chains numéros, la recherche à divers pays étrangers. Car sur ce terrain, comme sur tant d'autres, plus encore que sur beaucoup d'autres, la méthode comparée s'impose et les vieux cadres nationaux, où trop souvent s’enferment les historiens, doivent enfin être brisés. Aussi bien, quelques mots échangés au dernier Congrès d'Oslo nous l'ont prouvé : partir à la recherche de rensei- gnements sur les plans au delà des frontières de son propre pays ct revenir bredouille, ce fait-divers d’érudition n'a rien d’imaginaire. Nous sommes donc certains de répondre, par notre entreprise, à un besoin réellement res- senti. Enfin, poursuivant ici avant lout une œuvre de liaison et d'échanges, il nous a paru tentant de porter tout d’abord notre effort sur des documents qui, par leur nature même, les informations qu'ils apportent, et les connais sances qu'ils exigent pour être correctement interprétés et utilisés, appellent la coopération de spécialistes très divers.

Car les plans parcellaires, comme tous les documents, ne demeurent monotones et exsangues que jusqu'au jour où le coup de baguette de l'intui- tion historique leur a rendu une âme. En leurs traits figés, une vie mouvante, pleine de travaux et d'aventures, s'est inserite et se révèle, toute chaude, à qui a l'art de la saisir: la vie rurale, dans ses péripéties et l'infini de ses variétés régionales. La forme et la disposition des champs, qu'ils font apparaitre à nos yeux, éclairent les prémices de l'occupation du sol, et révèlent entre les usages agraires, selon les contrées, des ressemblances et des oppositions où l'historien des civilisations les plus reculées, recouvertes aujourd'hui par des peuples et des États plus jeunes, puise des suggestions qu'il chercheraît vainement ailleurs. Le long effort de défrichement, qu, dans la suite des temps, p: ä-coups, entama landes et forêts, acerut où morcela les terroirs, eréa des centres d'habitat nouveaux, ÿ a déposé ses traces?. Les vicissitudes du régime seigneurial s'y traduisent par les variations du domaine, dans son étendue et sa constitution topographique. La répartition des fortunes foncières, l'his- toire sociale des communautés paysannes s’y montrent au grand jour. Voici, parexemple, un plan beauceron du début du xvune siècle, celui de Monnerville,













4. Nous avons déjà entre les mains des notices, très précises, sur l'Allemagne (par le Professeur Walter Vogel, de Berlin) et l'Angleterre {par le Professeur R. H. Tawney et le De Hubert Hal, de Londres); nous sommes en outre assurés de là collaboration Ve M. V. Ceruy, pour la Tehécoslovaquie.

2. Les plans ont été à plusieurs reprises utilisés pour l'étude de la disposition des mai sons et des rues, dans les « villes neuves » ou » bastides », créées de Lonte pièce au moment, des grands défrichements : ef. Lout récemment P. LAYEDAN, Histoire de l'architecture urbaine et Qu'est-ce que l'urbanisme ?, 4926. Mais, en France du moins, on a généralement négligé de pousser l'analyse jusqu'aux terroirs ruraux des nouveaux centres de peuple- ment. Sur Ge point aussi, le plan parcellaire aurait son mot à dire, Un des eas les pi curieux que révèle le plan cadastral est celui de Sauveterre (Gironde, arr. La Réole), bastide fondée en 4281, qui n'a pas de terroir, Ia commune se Hmitant à Ia ville et tous Jes champs se trouvant situés dans les communes voisines.