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56 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

l'agriculture et le développement économique général, le territoire se trouve en quelque sorte saturé. Pour les gens de ces régions une rup- ture est indispensable. I leur faut soit quitter le pays, soit changer de classe sociale. Nous ne pouvons ici entrer dans les détails, mais le fait est déjà confirmé par de longues observations, D'une part, le contin- gent des migrants — intérieurs ou extérieurs — provient toujours des mêmes régions, de même que la plus grande partie des saisonniers. L’artisanat est aussi plus particulièrement développé dans certains départements.

La réponse à la question que nous avons posée au début de ce paragraphe est donc affirmative, mais sans être si évidente qu'il parait à première vue. Oui, il y a de la place en Russie pour toute cette population, mais un peu — toutes proportions gardées — comme, dans l'empire britannique, il y aurait des places pour tous les chômeurs de la métropole à condition que l'on püt les décider à partir dans un Dominion ou que l'on arrivât à persuader un mineur d'aller faire de la culture. Pour l'Union soviétiste le problème est encore compliqué par le manque de capitaux, par l'état arriéré de l'économie nationale, par l'ignorance des masses populaires. 11 faut en somme trouver rapi- dement les moyens d'occuper tous les individus en âge de travailler de façon que puisse vivre la jeune génération qui progresse à raison de plus de 3 millions par an. Jusqu'ici, dans les campagnes, le seul pas réel fait pour employer les bras en surnombre a été le rétablissement légal du salariat supprimé tout au moins en théorie pendant les premières années de la révolution. Mais cela est loin de suffire, l'accroissement démesuré du chômage dans les villes le démontre de façon irréfutable, L'industrie, même mise au régime de la journée de sept heures, ne peut guère en effet annuellement absorber que quelques centaines de milliers de nouveaux ouvriers et bien peu nombreux sont encore les ouvriers ägés qui peuvent bénéficier de la pension d'invalidité.

A bien réfléchir, c’est avant tout le problème agraire qui se pose encore, mais sous une forme différente de celle qu'il présentait en 1860 ou au début de ce sièele. L'aspect politique de la question semble avoir été résolu en 1917-18 par la nationalisation de la terre, mais l'aspect économique reste plus troublant que jamais. Il y a toute une organisation agraire à créer, soit pour mettre en, valeur des régions éloignées, mais fertiles, soit pour intensifier la production agricole dans les régions déjà peuplées.

Mais, en second lieu, il se pose encore un pur problème de popula- tion que l’on ne peut éviter de traiter. L’accroissement de Ia popula- tion, l'accroissement continu avec Ja rapidité actuelle est-il souhai- table ? S'il apparait comme dangereux, faut-il attendre que jouent les lois économiques, attendre les solutions catastrophiques ou chercher à enrayer le mouvement ? Tout cela ne laisse pas d'émouvoir, même