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152 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

de roi et l'emporta souvent, alors qu'il essayait de protéger les sujets contre elle.

Ges conséquences matérielles et sociales assez pénibles de la révolution confirment l’auteur dans le jugement qu'il porte sur la démocratie hussile. Cette célèbre période de l'histoire tchèque finit par la bataille de Lipany, en 1434, où le parti radical des Taborites fut vaineu par le parti plus modéré des Pragois. Palacky regrettait cette défaite ; il y voyait une défaite de la démocratie tchèque. Pour M' Pékar, au contraire, les Taborites furent sim- plement une bourgeoisie radicale et les Pragois, en l'emportant sur elle, se débarrassérent de l'élément destructeur qui jusqu'alors empêchaît la conso- Jidation du pays. Les Taborites ne connurent pas la démocratie dans le sens moderne de ce mot, mais seulement la théocratie représentée surtout par Zizka c'est la conclusion du chapitre sur la situation sociale, mais aussi la conclu- sion de tout le livre et l’auteur y parvient par sa « confrontation des témoins ». Elle se réfère au portrait qu'il nous trace de Zizka. Jusqu'à présent, on voyait en lui un hobereau, qui, frustré de sa petite propriété par un voisin puissant, le seigneur de Rozmberk, s'était vengé de lui en suscitant de petites émeutes. Niant le motif de la vengeance, M° Pekar démontre que Ziaka fut un soldat mercenaire qui prenait part aux luttes civiles des nobles, luttes habituelles dans la société tchèque d'alors. Le portrait définitif de Zizka ne sera d’ailleurs tracé que dans le tome III.

Il n’y a pas de doute que les conceptions de Palacky sur la démocratie vaincue à Lipany demandent à être révisées, de même qu'antérieurement déjà a dû être revue et réfutée sa conception romanesque de la démocratie des anciens Slaves et des anciens Tchèques aux origines de leur histoire. On trouverait difficilement, pour opérer cette révision, quelqu'un do plus qualifié que M° Pekar. Il est aujourd'hui le maître de l'histoire tehèque ; il écrit un style admirable ; il est enfin un patriote du earactère le plus noble : on pourrait difficilement le soupçonner de vouloir à plaisir détruire des images et des idées, qui, dans la lutte nationale séculaire pour l'indépendance, ont été souvent d'un puissant appui. Mais Mr Pekar est en même temps un esprit conservateur. Réagissant vivement aux problèmes du jour, il les juge volon- tiers en partisan de l'aristocratie (non point de la noblesse en général, mais de ceux qui sont, ou devraient être, les meilleurs). Son zèle l'entraine parfois à dépasser la mesure. Et pareille aventure lui est déjà survenue, par exemple quand il a défendu la contre-réforme catholique des xvne-xviue siècles et son saint atitré, Jean Népomucène, — ou bien quand, manifestant sa préfé- rence pour l'aristocratie, il s’est prononcé contre la réforme agraire. Le livre sur Zizka est influencé pareillement par les problèmes aigus de notre époque. L'auteur lui-même, dans un passage, établi une comparaison entre les faits qu'il étudie et la révolution russe. Sa répugnance pour le radicalisme exagéré et la démocratie mal comprise de l’époque contemporaine ne peut naturel- lement que l’affermir dans son opinion hostile au parti laborite, — encore que sa conception soit chez lui d'ancienne date. Cette fois, cependant, je erois le conservatisme de Mr Pekar plus acceptable, plus modéré, plus réfléchi que dans les deux exemples cités plus haut. Ce n’est pas la première fois que, après un certain laps de temps, et les circonstances s'étant modifiées, une époque de révolution se voit juger d'une façon nouvelle : qu'on <onge aux apprécia-