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142 ANNALES D'HISTOIRE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

raconter les péripéties et à en expliquer les répercussions politiques qu'est consacrée la majeure partie du volume.

On sait quelle était, en matière de subsistances, l'opinion des pauvres gens et de la petite bourgeoisie ; elle était partagée d’ailleurs par beaucoup de pri- vilégiés et d'hommes fortunés, et les administrateurs, par souci de l’ordre et de leur sécurité personnelle, s’en faisaient volontiers les interprètes. On exi- geait du gouvernement qu’il maintint une juste proportion entre les prix et les salaires, qu’il réglementât le commerce pour empêcher la spéculation et qu'au besoin il réquisitionnät et taxât les denrées. Necker avait rétabli peu à peu la réglementation ; la Constituante revint à la liberté sauf pour l’expor- tation. M° Mathiez note qu'on ne sait pas au juste à quel point elle a été obéie. En effet, on n’a même pas une étude sur le curieux mouvement q 1790, souleva le Nivernais et le Bourbonnais en faveur de la taxation. Néan- moins, je ne crois pas que le peuple ait attendu la crise de l'assignat pour perdre toute foi en la vertu de la liberté, ni que ce soit « chose curieuse » de le voir réclamer en 1792 le retour à la réglementation de l’ancien régime (p. 25-6). En réalité, après comme avant la crise de 1789, il est resté ancré dans sa conviction. Les administrateurs notent même souvent que le souvenir de la disette récente a fortifié ses préventions.

Après une tentative de réglementation en septembre 1792, due aux besoins de l’armée et surtout à la domination momentanée de la Commune de Paris, probablement peu appliquée, mais sur laquelle les renseignements sont rares, Ja Convention revint encore une fois à la liberté, le 8 décembre, Toute la situation s’aggravant de jour en jour, Girondins et Montagnards furent bien obligés d’y prêter attention. Les uns et les autres répugnaient à la réquisition et à la taxation, soit par attachement aux principes, soit par souci de ménager les classes possédantes, soit parce qu'ils ne croyaient pas à l'efficacité de ces mesures. Mais les Girondins étaient en outre déterminés pat leur animosité contre les sections de Paris qui réclamaient la taxation sous l'impulsion des enragés, tandis que les Montagnards, pour saisir le pouvoiret même pour éviter la proscription, n'avaient pas d'autres moyens que de s'entendre avec elles : ils se résignèrent donc. C’est ainsi que fut voté le premier maximum des grains (4 mai 1793) et que fut scellé le destin de la Gironde. Mais ce maximum ne fonctionna pas. Il fallut, au cours de l'été, loute une série de mouvements populaires pour arracher à la Convention le maximum national des grains du 11 septembre et le maximum général du 29 ; le second Comité de Salut public céda chaque fois pour ne pas être emporté à son tour. On ne peut que renvoyer sur tout ceci au récit extraordinairement attachant de M. Mathiez. Les archives parisiennes ont dû donner sur ces complications politico-économiques à peu près tout ce qu’elles contiennent et il n’est pas probable que l'avenir ajoute rien d'essentiel à sa description.

Le champ des recherches reste au contraire très vaste en dehors de Paris, comme M* Mathiez le marque à plusieurs reprises. On sait déjà que le plan du lyonnais Lange pour la nationalisation du commerce des grains, qui a frappé si fort Michelet et Jaurès, ne lui est point particulier ; on connaît aussi des enragés dans plusieurs villes de province ; d'autre part, il est certain que la réglementation est demeurée très inégale et qu'elle a varié de district à distriet et d’une ville à l’autre. Mais nos connaissances demeurent vraiment