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PORTS D'AUJOURD'HUI ET D'AUTREFOIS 99

mêmes des questions toutes pareilles el apportant toute leur ingéniosité, toute leur patience à les résoudre ? Ces questions, quand on vient de lire une de ces études contemporaines du genre de celle que nous venons d'analyser, on n'est pas embarrassé pour les formuler. Au xvie, au xvn, au xvini siècle comme de nos jours, il ÿ avait entre Hambourg, Amsterdam, Anvers, Mar- seille, Gênes et Venise des conflits de limite, toute une géographie mouvante ei compliquée de zones d'influence en perpétuelles transformations que per- sonne, jamais, ne s’est soucié de faire revivre. Le change y jouait son rôle, autant, sinon plus qu'aujourd'hui. Et les conditions très variables des trans- ports. Et celles de la main-d'œuvre. Et les facilités plus où moins grandes qu'offraient au commerce la situation bancaire des diverses places. Et le tracé des frontières, la multiplicité et la rigueur plus ou moins grande des lignes douanières ou des péages : vingt autres éléments, dont savaient tirer parti supéricurement, ne nous y trompons pas, les grands marchands, les grands financiers de ce temps, joueurs intrépides, accapareurs et lrusteurs d'une magnifique audace, adeptes résolus du dumping le plus audacieux et le plus naïf à la fois.

De tout cela, que savons-nous vraiment ? A peu près rien. Nous devi- nons. Une ou deux monographies sans lien entre elles et dues à un hasard heureux nous permettent d'entrevoir, dans une nuit profonde, quelques lueurs. En temps ordinaire, nous n'en souffrons pas. Mais quand nous prenons connaissance de tous es travaux patients et scrapulcux qui démontent et remontent pour nous, patiemment, le mécanisme compliqué de notre vie économique — il faut bien que nous réfléchissions, ct que nous prenions conscience de notre misère. C'est Ià la grande force de suggestion qu'exerce, que peut et doit exercer sur l'esprit des historiens, une connais- sance précise des faits et du monde contemporain #. Que nous n’ayons pas encore, pour quelques époques choisies, le jeu dos cinq ou six monographies de grands ports, entreprises par des historiens qualifiés, après entente et dis- eussion, et conduites par eux en toute indépendance, mais quant aux ques- tions à poser, quant aux problèmes à élucider, quant aux documents à éla- borer, en pleine entente el en collaboration de Lous les instants, — c'est pro prement une honte

Le jour seulement où lus historiens Pauront compris, il y aura une his- toire, et dont nul ne s’'aviséra plus de discuter la valeur, la portée et l'intérêt. Ce jour-là, nous ne le verrons sans nul doute pas luire. En préparer, en hâter la venue, telle doit être ici notre œuvre très concrète et très raisonnéo. Et c'est parce que, par leur exemple, les travailleurs qui étudient et décrivent, avec des méthodes déjà éprouvées, les institutions économiques de notre temps peuvent aider les historiens à prendre conscience d’un semblable devoir — que nous ne séparerons jamais de l'étude du passé l'examen attentif du présent.













Lucren Fenvne.

1. Au deuxième tome de Der Moderne Kapitalismus, 1949, p. 297-243 ct 277-325, ww. SomBanr résume sommairement nos connalssances et nos Ignorances sur ces questions 2. Inversement, sur les services que peut rendre la connafssance du passé à celle du présent, cf, les observations d'H. HAUSER, publiées daus la Revue d'Economie politique sous le titre Les origines historiques des problèmes économiques actuels, Paris, 1028, ÿ. 177-185.