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No. V.

CONTE
Le May Anecdocte villagoiſe


Dans presque toutes les campagnes surtout aux environs de Paris, il est d’usage le premier de May de planter devant la porte de quelqu’un pour lui faire honneur un arbre le plus droit et le plus haut que l’on puisse trouver sans etre bien gros, on le depouille de son ecorce et de toutes ses branches ne laissant que les plus elevées, et apres lui avoir ainsi donné le nom de may, tout les habitant en corps le portent soit au Seigneur soit au Curé, ou a quelque particulier plus riche et plus hupé que les autres. Un jeune laboureur consideré dans son hameau, ou il donnoit le ton et meme plus entendu qu’a un paysan n’appartient, persuada un jour aux garçons d’en donner un au fermier de l’endroit quoiqu’il n’en fut pas beaucoup aimé et ne le merita meme pas par la maniere presque tyrannique avec laquelle il exercoit les droits du Seigneur, il est vrai qu’on fut d’autant plus etonné que ce jeune laboureur eut fait des demarches pour obtenir a cet homme un temoignage d’estime et de vénération dont il n’etoit pas digne, que lui meme venoit d’etre la victime de ses exactions par une grosse som̃e d’argent qu’il avoit été obligé de lui donner l’etonnemt auroit cessé alors comme il cessa ensuite si on avoit sçut qu’il etoit d’intelligence avec une jolie fille du fermier et que ce cher may placé aupres de la porte et vis-a-vis les fenêtres de la Demoiselle devoit servi d’escalier pour ce procurer les moyens de ce voir et de se témoigner mutuellement leur amour, mal’heureusement cela ne dura pas longtems, le fermier qui avoit toujours les oreilles au gué ayant entendu grimper quelqu’un par le may a la chambre de sa fille attendit environ un quart d’heure et monta ensuite brusquement chés elle il surprit nos deux amants occupés a planter de may ensemble d’une maniere plus agréable que l’autre et n’ayant d’habillemt que ce qui etoit necessaire pour la ceremonie ce qui ne les surchargoient point, irrité mon brutal de fermier leurs distribuat quelques coups, et finit par faire un bon procès a l’un ce qui acheva de le ruiner et envoyer l’autre chés une tante qui demeuroit loin de la.