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LOUIS BOUILHET

sur la fin du drame et à pousser Aïssé, Aïssé dont nous connaissons les sentiments chrétiens, surtout aux derniers instants de sa vie, à maudire la loi du Christ, contre-sens énorme, s’il en fût jamais !

Quoique la dernière, Mademoiselle Aïssé n’est point la pièce de Bouilhet la mieux réussie du groupe des compositions dramatiques où il a mis en œuvre des éléments empruntés à l’Histoire. C’est encore son début au théâtre, Madame de Montarcy, qui reste ce qu’il a fait de mieux en ce genre. C’est sa pièce la mieux équilibrée, peut-être la mieux écrite, celle où il a soudé avec le moins d’efforts et de la façon la plus adroite la fiction aux faits historiques. Il est temps de voir comment il a réussi à traiter des sujets puisés dans les réalités de notre vie quotidienne.

II

Le drame domestique et la comédie en vers présentent les plus grandes difficultés pour le poëte au point de vue du style. D’une part, il lui faut se mettre en garde contre un langage lourd et prosaïque ; d’autre part, il doit éviter la pompe, le lyrisme et la richesse des métaphores.

Les sujets puisés dans la vie de tous les jours demandent surtout une extrême précision et une grande sobriété dans les vers. Des ornements superflus, des draperies, des images, il n’en faut point. Dans cette vie que nous menons à la vapeur, les longues tirades et le langage métaphorique ne sont plus de mise. On se complaît point à faire des discours en dehors de la tribune ou de la barre. On traduit simplement ou l’on déguise simplement aussi sa pensée, et si la conversation se prolonge, c’est pour avoir l’occasion d’y semer un mot plus ou moins spirituel.

C’était une épreuve difficile pour Bouilhet que de faire