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— Seigneur, je suis votre amie, puisque la sagesse vous retient. — Jeune fille, quand je suis sur le point de faillir, pour me retenir je pense à Beau Déport. — Seigneur, votre amitié me plaît fort ; maintenant vous vous faites aimer. — Jeune fille, qu’est-ce que j’entends ? — Que je sens quelque inclination pour vous, seigneur.

— Dites, charmante fille, qui vous fait dire à présent parole si aimable ? — Seigneur, où que j’aille on entend les jolies chansons de Guiraut Riquier. — Mais vous ne prononcez pas encore le mot que je vous demande. — Seigneur, Beau Déport qui vous préserve de tout blâme, ne vous protège-t-elle pas ? — Cela ne me profite guère. — Au contraire, seigneur. — Jeune fille, je reprendrai souvent ce sentier. »

Il y revint en effet deux ans plus tard (1262) et voici le début de sa deuxième pastourelle.

L’autre jour je rencontrai la bergère d’antan ; je la saluai et la belle me rendit mon salut ; puis elle me dit : « Seigneur, comment êtes-vous resté si longtemps sans que je vous voie ? L’amour ne vous tourmente guère. — Si, jeune fille, plus qu’il ne paraît. — Seigneur, comment pouvez-vous supporter ce chagrin ? — Il est si grand qu’il m’a fait venir ici. — Moi aussi, seigneur, j’allais vous cherchant. — Mais vous êtes ici gardant vos agneaux ? — Et vous de passage, seigneur, à ce qu’il me semble ? »

La conversation se poursuit sur ce ton, le poète parlant amour et la prude bergère le rappelant aux convenances et le calmant d’un mot en lui rappelant le souvenir de Beau Déport.

Deux ans après nouvelle rencontre (1264). C’est le sujet de la troisième pastourelle. Le troubadour y introduit un élément nouveau qui consiste à supposer qu’il ne reconnaît pas la jeune fille.