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nous place ; à nous est la Provence et le comté de Toulouse, jusqu’au Puy » ; jamais plus cruelles vantardises ne furent entendues de la part de ces chiens sauvages sans foi ni loi… Puisque nous sommes de sincères croyants, ne laissons pas nos héritages à ces chiens noirs d’Outremer ; conjurons le péril avant qu’il nous atteigne. Nous leur avons jeté en travers Portugais, Galiciens, Castillans, Aragonais, Navarrais qui les ont mis honteusement en fuite.

C’est là un chant de guerre qui peut nous donner une idée de ce que furent les chansons de croisade composées par les troubadours en Espagne, pendant la période héroïque de la « reconquista ». C’est au même roi Alphonse VIII que Peire Vidal, le troubadour fantasque dont il a été déjà souvent question, adressa quelques-unes de ses poésies.

L’Espagne est un bon pays, dit-il dans l’une d’elles ; ses rois et ses seigneurs sont aimables et affectueux, généreux et bons, de courtoise compagnie ; et il y a d’autres barons, preux et accueillants, hommes de sens et de connaissance, hommes vaillants et distingués.

Sans nous attarder davantage, passons au règne d’Alphonse X de Castille (1252-1294). Ce roi fut, dans la péninsule, avec Jaime d’Aragon, le protecteur le plus généreux des troubadours. Dès le début de son règne ils accoururent en foule auprès du roi « savant ». Le Génois Boniface Calvó, dont il a été question dans le chapitre précédent, fut parmi les premiers et resta un de ceux à qui le roi et son entourage manifestèrent le plus de sympathie. Le dernier troubadour, Guiraut