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Espérance de tous les vrais croyants, fleuve de plaisir, source de vraie pitié, maison de Dieu, jardin où naissent tous les biens, repos sans fin, refuge des orphelins, consolation des parfaits affligés, fruit de joie, assurance de paix, port de salut, joie sans tristesse, fleur de vie sans mort, mère de Dieu, reine du firmament, lumière, clarté et aube du paradis[1].

On voit tout ce qui manque à cette énumération pour être poétique ; la longueur, la monotonie, l’incohérence en sont les moindres défauts ; le reste de la pièce est digne de cette froide introduction. Si les chansons à la Vierge ont été une des dernières grâces de la littérature provençale en décadence elles le doivent à tout autre chose qu’à l’imitation des litanies de l’Église. Nous allons étudier la transformation qu’elles subirent. Mais auparavant il faut rappeler succinctement quelques faits historiques importants.

Les événements qui ont suivi la croisade contre les Albigeois et qui en ont été, pour ainsi dire, le complément, ont exercé sur les mœurs, et, par suite sur la poésie une influence décisive. Aussitôt après la conquête, saint Dominique institue ses Frères Prêcheurs et, dans l’espace de quelques années, la congrégation possède dans le Midi de la France quarante-quatre couvents. La plupart sont, comme il convient, fondés dans des villes où l’orthodoxie avait le plus souffert ; Toulouse, Béziers sont des premières à en avoir. D’autres ordres religieux, Franciscains, Jacobins, s’établissent à la même

  1. Appel, Prov. Chr., no 58.