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Quoi qu’il en soit des origines de cette poésie et à la prendre telle qu’elle se présente à nous chez les premiers troubadours du xiie siècle, elle a dès le début un caractère d’élégance raffinée qu’elle a conservé jusqu’en son extrême décadence. C’est une poésie essentiellement courtoise et aristocratique. Il faut entendre par le mot « courtois » une poésie de cour, faite exclusivement pour des milieux élégants, rarement pour la bourgeoisie, jamais pour le peuple.

Ce caractère s’explique par l’état de la société à l’époque des troubadours et aussi en partie par leur condition sociale. Beaucoup d’entre eux — et le premier entre autres, Guillaume, comte de Poitiers et duc d’Aquitaine, — furent de grands seigneurs : plusieurs rois et autres gens de qualité cultivèrent la poésie et protégèrent les poètes. Car pour ceux d’entre eux qui étaient de « petite extrace » comme dit Villon, la protection d’un grand seigneur les mettait à l’abri des misères de la vie : la poésie n’a jamais bien nourri son homme, sauf à certaines époques privilégiées ; le moyen âge ne fut pas une de ces époques ; ou plutôt s’il le fut dans le Midi de la France, et si les troubadours y obtinrent de bonne heure crédit et considération, ce fut, le plus souvent, au prix de leur indépendance, et leur poésie y prit un caractère à peu près exclusivement aristocratique.

Mais à quelle autre société que celle des grands seigneurs du temps auraient-ils pu s’adresser ? Et quel goût pour la poésie auraient-ils trouvé en