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Les chefs de l’Église étaient eux-mêmes d’une remarquable tolérance et aussi indulgents que la société laïque pour la poésie profane. On se souvient que le Moine de Montaudon avait la permission de parcourir les contrées voisines de son couvent, à condition d’y rapporter les présents qu’il récoltait dans ses tournées poétiques. Encore au début du xiiie siècle un chanoine de Maguelone (où paraît avoir existé une sorte d’abbaye de Thélème) charmait les loisirs de la solitude claustrale en écrivant des chansons dignes du chantre de Lisette.

On ne saurait reprocher aux troubadours de ne pas avoir été plus religieux que les religieux eux-mêmes. Ils ont eu évidemment une conception de la vie différente de celle qu’en a d’ordinaire l’Église. Ils ne l’ont pas considérée comme une triste « vallée de larmes », mais comme un gracieux jardin de joie dont ils ont respiré sans remords la plupart des parfums. Cette littérature est une littérature gaie, au moins pendant sa période de splendeur. Les esprits chagrins et boudeurs, comme Cercamon et surtout son disciple Marcabrun, y sont une exception. On y sent la joie de vivre, d’une vie heureuse, parfois délicate, rarement grossière. La sensualité y est chose rare ; et si quelques troubadours s’expriment parfois avec brutalité, c’est là en somme une exception. Leur conception de la vie est saine et leur poésie élève l’âme et le cœur.

Les troubadours conçoivent la Divinité, comme la vie, d’une façon un peu particulière. Dieu ne leur