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de cette période du début de la décadence. C’est un de ceux qui, par la noblesse et la sincérité des sentiments et surtout par ces « haines vigoureuses » que le spectacle du vice ou de l’injustice donne aux « âmes généreuses », mérite d’avoir une place à part, et par certains côtés, une place unique parmi les troubadours. Avec lui c’en est fait des chansons joyeuses ou légères ; sa lyre est accordée sur un autre ton.

Il n’existe sur Peire Cardenal qu’une courte notice biographique du temps, écrite par un notaire de Nîmes, Michel de la Tour. Cardenal était du Puy-en-Velay ; il était de bonne naissance, fils de chevalier ; ceci est confirmé par des documents concernant la ville du Puy. Comme son compatriote Pierre d’Auvergne, il était destiné à l’état ecclésiastique. « Quand il était jeune, son père l’établit chanoine au chapitre du Puy ; il y apprit ses lettres et sut bien réciter et bien chanter. » Et le biographe ajoute : « Quand il fut arrivé à l’âge d’homme, il s’éprit de la joie de ce monde, car il se sentait gai, beau et jeune » : trois qualités de tout premier ordre pour réussir dans la carrière de troubadour. « Il composa des chansons, mais peu ; mais il écrivit maints sirventés beaux et bons… il y châtiait rudement les mauvais prêtres… » C’était un troubadour de haut étage, il se faisait accompagner d’un jongleur qui chantait ses compositions. « Il fut très honoré par le bon roi Jacme d’Aragon et autres barons. » Enfin le biographe certifie, foi de notaire, que Peire Cardenal atteignit presque l’âge de cent ans.