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ne me plaisent autant que le cri de guerre : à eux ! et le hennissement, dans l’ombre des bois, des chevaux privés de leurs cavaliers ; rien ne me plaît comme d’entendre : à l’aide ! l’aide ! de voir tomber chefs et soldats sur l’herbe ou dans les fossés et de contempler les morts qui portent encore au flanc le tronçon des lances avec leurs flammes[1].

Quel que soit le mobile qui a inspiré cette poésie et quelques autres du même ton, on ne peut nier qu’elle ne sente ce que Victor Hugo a appelé « l’odeur fauve de la bataille ». Ce sont des accents auxquels les troubadours ne nous avaient pas encore habitués. Le contraste est rude entre cette poésie vivante, d’une vie farouche et brutale, et les chansons amoureuses des premiers troubadours. C’est de ce contraste que naît, en partie, l’intérêt de l’œuvre de Bertran de Born. Il forme une exception parmi les troubadours.

Il donne, dans cette poésie un peu efféminée, comme une note martiale et virile ; il y a là des bruits de clairons et de tambours, comme un écho des fanfares guerrières. Saluons cette poésie au passage ; nous ne la retrouverons pas dans la littérature provençale.


  1. On a émis des doutes sur l’authenticité de cette pièce. Plusieurs manuscrits l’attribuent à d’autres troubadours que Bertran de Born. La pièce est composée sur les mêmes titres qu’une pièce de Giraut de Bornelh. Ce qu’il y a de certain c’est que un ou deux couplets sont interpolés ; mais nous croyons que ce brillant morceau de poésie est bien de Bertran de Born.