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de Mareuil ; c’est-ce qui explique aussi la différence profonde qui sépare leur conception de la poésie. Ce troubadour de haute extraction, qui passa la majeure partie de sa vie à guerroyer, fut avant tout le chantre de la guerre. Il a sans doute composé quelques chansons amoureuses ; mais elles sont bien pâles, à côté de celles de Bernard de Ventadour et à côté de ses poésies guerrières. En revanche il règne sans conteste dans le domaine de la poésie politique. La langue des troubadours avait besoin de passer par cette école ; elle y a gagné une fermeté et une vigueur qu’elle ne connaissait guère encore.

Il est inutile de suivre pas à pas la vie de Bertran de Born : tout un livre a été consacré à ce sujet. Il suffira de n’en rappeler que ce qui est nécessaire à l’intelligence de quelques-unes de ses poésies.

Le roi d’Angleterre, Henri II, par son mariage avec Éléonore d’Aquitaine, était devenu le suzerain du sire d’Hautefort. Bertran ayant eu maille à partir avec son frère, celui-ci fit appel à Henri II, et notre troubadour fut assiégé dans son château. Il supporta vaillamment l’attaque et bientôt se réconcilia avec le roi d’Angleterre.

Il se rendit à sa cour, en Normandie ; là l’attendait une grande déception. Il croyait y retrouver les goûts de luxe et de prodigalité qui régnaient dans le Midi. « Nous autres, Limousins, nous mettons la folie au-dessus de la sagesse ; nous somme gais ; nous aimons que l’on donne et que l’on rie. » Il n’en était pas de même à la cour anglaise et Bertran y