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vassal subit quelque dommage, c’est le suzerain qui en souffre en dernier lieu. Bernard de Ventadour est un des premiers à rappeler ce principe et d’autres troubadours le rappelleront après lui. Enfin on a pu noter la strophe où il lui demande la permission de lui enlever ses souliers, à genoux ; c’est encore un trait de mœurs chevaleresques.

Cette chanson est une des rares poésies de Bernard de Ventadour qui contienne quelques allusions à sa vie. Ordinairement elles ne renferment aucun trait qui permette de reconnaître à qui elles sont adressées. De plus Bernard de Ventadour emploie plusieurs pseudonymes pour désigner sa dame, l’appelant tantôt Belle-Vue (il s’agit d’Agnès de Montluçon), tantôt Confort, Aimant ou Tristan. Cette discrétion contribue à rendre assez obscure l’histoire de sa vie. Ici il nous apprend seulement qu’il a cessé de chanter depuis deux ans, que sa dame lui témoigne de la froideur — plainte ordinaire des troubadours et que nous retrouverons chez lui — et que son chant est composé « au delà de la terre normande et de la mer profonde ». La pièce aurait-elle été composée en Angleterre ? Peut-être ; Bernard de Ventadour serait en ce cas un des rares troubadours — le seul probablement — qui auraient visité ce pays[1].

Une autre de ses chansons paraît avoir été écrite comme celle-ci loin de la cour de la reine ou, tout au moins, pendant une absence d’Éléonore. Il y exprime son amour avec une sincérité touchante, relevée çà

  1. Marcabrun aussi aurait visité l’Angleterre, cf. G. Paris, Esquisse historique, § 86.