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XLVIII


Quand je songe qu’un jour, sous des faces ridées,
Nous serons deux vieillards à l’âme obscure et lente,
Marchant à pas tremblants, parlant à voix tremblante.
Cherchant de rares mois pour de rares idées.

Quand je vois que l’amour, qui hors de nous rayonne
Qui nourrit nos regards, éclaire nos sourires,
Et ravit nos esprits en surhumains délires
Où le sang comme un vin ensoleillé bouillonne,

Ne sera plus qu’un point tout au fond de notre être,
Où la faible mémoire en tâtonnant pénètre,
La dernière étincelle en nos corps presque éteints,

Je pense à ces Anciens qu’une mort volontaire
Restituait entiers et libres à la terre,
Dédaigneux de l’effort des ans et des destins.