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XLV

 
Tu souhaites parfois une absence, un départ,
Pour savoir si, pareil aux laveuses du fleuve,
Mon cœur verrait passer, sans que leur chant l’émeuve,
Les barques du Plaisir qu’amène le Hasard.

Si, loin de ton sourire et loin de ton regard,
Mon âme, consentant pendant des mois d’épreuve,
Sa chaste solitude et son voile de veuve,
Restait inconsolable et pleurait à l’écart,

Si, vivant de son deuil et ne voulant près d’elle
Que les fleurs du regret et du lointain espoir,
La sombre scabieuse et la pâle asphodèle,

Elle attendait ainsi, confiante et fidèle,
L’instant vague et toujours lointain de te revoir,
Tu connaîtrais, dis-tu, ce que tu veux savoir.