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XIII


Notre amour a vécu de tant de sacrifices,
Il a tant immolé de désirs et d’espoir,
Il a derrière lui laissé tant d’édifices
Où sur le banc de marbre il avait cru s’asseoir,

Repris tant de chemins sous de nouveaux cilices,
Conduit tant de matins aux tristesses du soir,
Cueilli tant de douleurs dans le champ des délices,
Tant vu sans arriver, tant voulu sans pouvoir,

Et devant lui s’étend une si longue grève,
Menaçante, blafarde, à la joie interdite,
Et dont le sol méchant de rocs mornes se crève,

Que si, de la nuée où la clarté palpite,
Une voix nous criait : « Votre bonheur se lève ! »
Nous nous regarderions pris de terreur subite.