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XII


Nous avons fait de nos deux cœurs un seul tissu,
Unis comme le sont la chaîne avec la trame ;
Ils se sont lentement mêlés à notre insu,
Tremblants au même vent comme un seul oriflamme ;

Ainsi chacun de nous dans son âme a reçu,
Jusqu’au profond de lui, les filtres de l’autre âme :
Il n’est pas un chagrin, pas un espoir déçu,
Qui ne blesse les deux d’un même trait de lame ;

Et, comme on ne saurait faire luire une soie
Sans un même reflet des fils entrecroisés,
Nos cœurs n’ont qu’un éclat dans une même joie.

Ils ne seront par rien ni jamais divisés :
À les frapper tous deux un seul coup peut suffire,
Comme tout est atteint dans le drap qu’on déchire.