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arrosé d’eau de larmes esprainctes de deux coeurs serrez en la presse d’amour, en sorte que, à la contemplation de telle douceur, qui (pour dire verité que j’ay jurée) me faisoit venir l’eau à la bouche, et par ennuy d’estre seulle, je m’endormi sur une couche de fueilles jusques au matin. Et pource, de ce qui fut faict entre eulx, comme je n’en voulu rien savoir, aussi rien je n’en say, sinon que en mon dormant (ne say si je songeoie ou non) me sembla ouyr quelques douces plainctes de ma dame, entremeslées de joye ; d’ond me voulant lever pour aller vers elle, me commanda de dormir et me tenir en repos, ce que je fei voluntiers jusques au matin, que le Soleil estoit jà haut et reluysoit dans la caverne ; et à ceste prime lumiere levée, je regardoye ceste belle paire de tant belles jeunes personnes que le Soleil en pallissoit, gisantz face à face et à demi embracez, sur une grande couche de mousse verde, qui estoit (comme je croy) la lictiere du Centaure. Et ainsi que je contemploie à grand plaisir ma Dame Noemie avoir prins plus haute et nouvelle couleur que sa naturelle blancheur par le dormir matinal, le Grison, qui n’avoit plus de fourrage, se print à hennir