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ou prophane. Bien vray est que j’ay prins l’escu qui m’a semblé beau, et à moy et mon corps necessaire, et là sur un arbre demourant inutile, lequel neantmoins je suys prest à rendre à qui justement me sera monstré appartenir ; autrement, non, car il me duyct. Et de dire que j’ay faulsé mon serment de noble Escuyer et commis felonnie envers l’ordre de chevalerie, je ne l’ay faict, ne voudroie faire. Bien ay je cerché à l’espée un sot rieur, cachinnateur, qui (ce me semble) se mocquoit de la faulte que m’a faicte mon cheval ; lequel rieur j’ay bien ouy, mais jamais ne l’ay peu veoir ne trouver, sinon que en un buysson (où il me sembloit l’avoir ouy rire), d’un coup d’espée jecté à l’adventure j’ay tué un gras lievre qui là se tapissoit. Je ne say pas si les lievres rient en ce pays, mais neantmoins je m’en suys ri et gaudi, et l’ay mangé de bon appetit. Quant à tes compaignons que tu dis que j’ay tuez et mangez, je ne say qui ilz sont et ne les vi jamais, sinon que ce soient lievres et tu soie aussi quelque diable de lievre, car tu ne me sembles gueres plus hardi, et aussi dict on communement que les diables se transfigurent par les champs voluntiers en