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donc à présent s’avise-t-il d’avancer, que la viande convient mieux que le maigre à ceux qui ont le sang pesant & mélancholique ? Mais voïons comment il poursuit.

« Dans tous ces cas, dit-il, on voit les raisons de dispenses, aussi en faut-il pour les obtenir ; car de croire que ce soit peu de se permettre les œufs, comme le pense le commun du monde, & Messieurs les Directeurs eux-mêmes[1], qui les permettent souvent, un peu légérement, c’est s’abuser soi-même & les autres. Les œufs donnent une pourriture trés-abondante, trés-succulente, & fort semblable à celle de la viande. Le crime de l’œuf seroit d’avoir quelque chose de trop bon, & par-là peu conforme à la nature & à l’intention du Carême. Car aucune nourriture, suivant la pensée d’un sçavant Auteur[2], n’est ni plus abondante, ni plus légere que celle de l’œuf. Il passe presque tout entier & tout d’un coup dans la sorte de sang la plus pure & la plus parfaite, c’est-à-dire, en sang arteriel. Sa perfection paroît encore, en ce qu’il passe dans les veines, sans presque laisser ni crasse, ni superflus, car tout en est bon, rien ne s’en perd. Mais tant de perfections exposent cette nourriture à de fâcheux inconvéniens pour les personnes sa-

  1. pag. 259. de la 1e. édit. & p. 450. de la 2e. tom. 1.
  2. pag. 260. de la 1e. édit. & p. 451. de la 2e. tom. 1.