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d’engraisser le corps, de le remplir autant que feroit la chair de bœuf, si ses rapports enfin & la convenance avec le vin, peuvent en faire une boisson de pénitence : s’il est bien sûr qu’il n’y ait rien à redire à la coûtume qui s’établit aujourd’hui de s’accorder si librement en Carême le cidre & la biere : si cette coûtume ne laisse rien à craindre à des personnes reglées, si la vertu s’y trouve en sûreté ?

Pour le poiré, il est, selon nôtre Auteur, encore plus vineux que le cidre, & il rassemble en lui[1] ce que les Peres de l’Eglise font le plus craindre de tout ce qui ressemble au vin.

Le cidre & le poiré étant donc si dangereux pour la vertu, l’Anonyme avoit une belle occasion de répliquer à M. l’Abbé de la Trappe, & de repousser vivement le reproche que cet illustre Abbé fait aux Medecins, comme nous l’avons déjà remarqué, de ne songer qu’à la conservation des corps, & de compter les ames pour rien ; il n’y avoit qu’à répondre qu’il étoit lui-même bien peu conscientieux, de permettre à ses Religieux une boisson de volupté, une boisson qui engraisse & nourrit autant que feroit la chair de bœuf, une boisson qui rassemble ce que les Peres de l’Eglise font le plus

  1. C’est ainsi que parle l’Auteur.