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peaux de boucs, qu’on étoit obligé, pour se servir de ces vins, de les raper avec un couteau[1] : souvent aussi par une certaine façon qu’on leur donnoit, pour les empêcher de se gâter quand ils étoient encore clairs, on les laissoit s’épaissir d’eux-mêmes avec le tems. Tous ces vins épais contractoient dans la suite des années une amertume insupportable[2]. Mais comme en s’épaississant, ils se réduisoient à une fort petite quantité, & qu’en même tems ils étoient si forts, qu’on s’en servoit pour donner goût aux autres[3], ils se vendoient extrêmement cher, jusques-là même que l’once s’achetoit cent deniers[4]. Leur épaisseur, au reste, & leur amertume étoit cause qu’il falloit emploïer beaucoup d’eau, tant pour les délaïer, que pour en rendre le goût supportable : ce qui fait dire à Pline, Nec potari per se queunt si non pervincat aqua, usque in amaritudinem carie indomita[5]. Il est facile de juger qu’une once de ces sortes de vins, délaïée dans une pinte d’eau, y conservoit encore beaucoup de sa

  1. ἐν Ἀρκαδίᾳ οὕτως ἀποξηραίνεται ὑπὲρ τοῦ καπνοῦ ἐν τοῖς ἀσκοῖς, ὥστε ξυόμενος πίνεσθαι Aristot. Meteorologicor. lib. iv. cap. x.
  2. Plin. lib. 14. cap. 4.
  3. Plin. ibid.
  4. Plin. ibid.
  5. Plin. lib. 14. cap. 4.