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tant. Plus la loi est facile à pratiquer, & plus on est criminel de la violer. Si donc l’abstinence fait moins souffrir que le jeûne, plus on sera coupable de la rompre sans besoin, puisque ce violement ne peut être que l’effet d’une plus grande cupidité. On ne peut disconvenir qu’il ne faille de plus fortes raisons, pour se dispenser de ce qui coûte moins, que de ce qui coûte davantage. Si donc l’abstinence fait moins de peine au corps, que le jeûne ; il est visible que celui qui, non content de rompre le jeûne sans besoin, s’émancipe encore à violer l’abstinence, qu’on suppose qu’il peut garder plus facilement, il est visible, dis-je, qu’il se rend plus coupable par ce dernier violement que par le premier ; parce qu’il faut, pour être capable du dernier, un plus grand amour du plaisir, ou une plus grande indifférence pour son devoir, cela est certain.

Quant au passage d’Isaïe qu’on nous cite, In die jejunii vestri invenitur voluptas vestra[1], on n’en sçauroit conclurre que le jeûne soit plus d’obligation que l’abstinence, & ce passage est ici tout-à-fait hors d’œuvre, par rapport au dessein qu’on se propose en le citant. Mais puisque l’Au-

  1. Isaïæ, cap. 58. v. 3.