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mac vigoureux qui sent sa force, & qui l’excite. Vuide qu’il est de sucs, mais plein de ressort, il agit lui-même. Ses fibres s’exercent & travaillent en vain, & ne trouvant rien à briser, elles se fatiguent & se lassent toutes seules : c’est un moulin qui mout à vuide[1]. »

Voilà comme l’estomac se repose pendant le jeûne, & s’épargne du travail.

2o. Quant au témoignage que l’Auteur allegue des Actes des Apôtres, pour prouver qu’on peut se bien porter aprés avoir demeuré quatorze jours sans rien prendre, il ne s’agit pas moins ici que de deux cens soixante & seize personnes, qui aprés avoir été battuës de la tempête pendant quatorze jours, sans avoir pris aucune nourriture, ne laisserent pas de se bien porter[2]. Saint Paul, comme l’on sçait, étoit dans le vaisseau ; c’est lui qui exhorta tout le monde à manger, & qui, sur l’assurance que lui en avoit donné un Ange, avertit que personne ne périroit : circonstance qui nous découvre d’une maniere incontestable la main divine. Ce n’est pas, qu’absolument parlant, il ne se puisse trouver des compléxions à pouvoir se passer de nourriture pendant

  1. P. 424. de la 1e. édit. & p. 224. de la 2e. tom. 2.
  2. Actes des Apôtres, chap. 27. v. 37. Si les cent soixante & seize personnes qui étoient dans ce vaisseau, demeurerent quatorze jours sans prendre aucune nourriture, quelle qu’elle fût, comme on le veut dans le Traité des Dispenses ; il est certain que la chose arriva miraculeusement ; mais il ne faut pas oublier de remarquer ici l’explication que les plus doctes Interpretes donnent à ce passage des Actes : Quartâ decimâ die hodie expectantes jejuni permanetis nihil accipientes. Sçavoir, que l’Ecriture prétend seulement faire entendre par-là, que ce grand nombre de personnes n’avoient pris que trés-peu de nourriture pendant ces quatorze jours, à cause de l’extrême crainte & de la grande occupation que leur avoit donné le peril où ils étoient. Voïez le Cardinal Cajetan, Estius, Menochius, Tirin, Cornelius à Lapide, Grotius, Emmanuel Sa, &c. Ainsi de quelque maniere que le Passage s’entende ; soit à la lettre, soit au sens des Interpretes que nous citons, il ne sçauroit servir à prouver qu’on puisse naturellement se passer de toute nourriture pendant quatorze jours & se bien porter encore aprés.