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une bandelette tracée à la pointe ; il porte par-dessus sa chlamyde blanche un pallium noir à pois rouges. L’attelage est composé de trois chevaux noirs et d’un cheval blanc. Devant ce personnage danse une jeune femme tenant à la main des crotales ; ses chairs sont blanches, et ses cheveux noirs sont attachés par une bandelette rouge.

M. le comte de Laborde, dans sa Descr. des vases grecs de la coll. du comte de Lamberg, a donné, t. Ier, p. 76, une peinture de vase qui reproduit, sauf de légères différences de dessin, la scène qui vient d’être décrite. Suivant lui, p. 84, ce groupe représenterait la piété filiale d’Hypsipyle, au moment où elle sauve son père Thoas de la fureur des femmes de Lesbos. Quelque temps avant l’arrivée des Argonautes, elles avaient juré de mettre à mort tous les hommes de l’île, et elles exécutèrent cette barbare résolution. Hypsipyle seule sauva la vie à son père en le cachant dans le temple de Bacchus, et lorsqu’elle crut apercevoir le moment favorable de le faire évader, elle le revêtit du costume du grand-prêtre du Dieu et le fit monter elle-même sur le char qui devait le conduire au vaisseau qui l’attendait. On peut consulter sur cette fable Hyg., Fab. XV ; — Ovid., Heroïd., ép. VI ; — Propert., lib. 1, el. XV, v. 18 ; — Stat., Theb., lib. IV, v. 740 ; — Val. Flacc., Argon., lib. II, v. 400.

Cette explication est sans doute savante et ingénieuse, mais il n’est peut-être pas besoin de recourir à ce déguisement. Pourquoi ne pas y voir une réalité, et n’est-il pas plus naturel d’y reconnaître le Dieu Bacchus lui-même triomphant à son retour de la conquête des Indes, et instituant les Dionysiaques ou Bacchanales. Le vase de Bennes, plus complet dans ses représentations, peut le suggérer ainsi. Dionysos est sur son char de triomphe ; pendant l’expédition des Indes, qui avait duré trois ans, il avait laissé croître toute sa barbe, suivant l’usage du pays ; c’est une bacchante qui près de lui agite l’instrument sonore. Devant le char, et ouvrant le cortège, est une personne de plus que sur le vase de Lamberg. C’est un des compagnons du dieu, un satyre noir a longue queue, et les cheveux ceints d’une bandelette rouge.

De l’autre côté du vase de Rennes est la continuation et le complément de la fête. Dionysos est assis, ses cheveux noirs sont ceints d’une bandelette rouge, il est couvert d’une chlamyde blanche ; par-dessus laquelle il a jeté un pallium noir rehaussé de rouge. Devant et derrière lui dansent deux Ménades aux chairs blanches, aux cheveux noirs ceints d’une bandelette rouge, vêtues d’une chlamyde noire rehaussée de rouge et jouant des crotales. M. de Laborde, qui donne, t. II, pl. V, no 4, un vase ou est peint une scène à peu près semblable, ne différant que parce que le personnage barbu est debout et que devant lui ne s’agite qu’une danseuse, y voit, p. 76, une bacchanale et le grand-prêtre de Bacchus avec les femmes qui l’assistent dans les cérémonies bachiques. Mais n’est-il pas plus à propos d’y voir, comme plus haut, le dieu lui-même ? Après le triomphe vient l’orgie sacrée. M. de Laborde a bien reconnu Bacchus dans le même personnage assis entre deux satyres qui se livrent à la danse (I, p. 90, pl. 89). Y aurait-il plus lieu de le méconnaître ici ?