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binant avec les secrets de l’Orient, arriver à dominer les puissances élémentaires. Les monuments que nous allons décrire sont le résultat de leurs efforts dans cette voie périlleuse.

Il ne faut pas croire que ces opinions se bornèrent à la seule Égypte. La crédulité humaine ne se limite pas ainsi et elle sait bien franchir les mers. L’Italie en fut envahie. Les Gnostiques de l’école de Basilides et de Valentin, et particulièrement Marc et les Marcosiens, s’adonnèrent à l’art magique pour séduire les simples. Ce fanatisme superstitieux fut porté dansées Gaules. Selon saint Irénée (lib. I, c. 9) et saint Jérôme (Epist. 29, Ad Theodorum), Marc transplanta cette pernicieuse doctrine sur le Rhône, la Garonne et les pays environnants. Il passa depuis en Espagne. On lui reprochait de s’introduire dans les maisons des riches, et surtout de s’insinuer dans l’esprit des femmes, leur promettant de les faire entrer dans les plus profonds mystères de la secte, dangereuse amorce à laquelle beaucoup se laissèrent prendre, et il infesta toute cette contrée de ses dogmes extravagants (Montfaucon, Ant. expl., II, p. 355). Aussi n’est-ce pas seulement en Égypte que l’on trouve des Abraxas ; l’on en rencontre partout, notamment dans les Gaules, où cette superstition étrangère put implanter son empire.

Il est hors de doute que ces pierres, gravées sous des positions planétaires convenables, servaient de talismans et d’amulettes pour préserver des maladies et des maux de toute sorte qui affligent l’humanité. La médecine hermétique de l’antiquité nous en a laissé des exemples. Le médecin Quintus Serenus Sammonicus, qui périt sous Caracalla, emploie le nom d’Abraçax ou Abraçadabra pour formuler en vers un remède souverain contre l’hémitrite ou fièvre double tierce, en combinant les lettres qui composent ce mot de manière à former des cônes magiques (Du Cange, Gloss. lat., t. I, v° Abr.).

Nous trouverons d’autres exemples d’une nature analogue dans les pierres que nous allons décrire.

Ce n’est pas au surplus qu’il faille attribuer toutes les pierres gnostiques aux seuls Basilidiens. Les Valentiniens, de même que les Ophites ou adorateurs du Serpent, peuvent, ainsi que d’autres, en revendiquer leur part. Nous en parlerons en leur lieu.

Les Gnostiques ont souvent inscrit après coup, sur des pierres fines gravées à l’époque des Lagides et représentant des divinités du Panthéon égyptien, soit le nom d’Abraxas, soit celui des génies émanés de lui, soit enfin des caractères magiques. L’infériorité de la gravure indique suffisamment cette addition postérieure. Mais quelquefois il est facile de voir, par l’imperfection de tout le travail, que le sujet et l’inscription datent d’une même époque de décadence de l’art. Il n’est pas toujours aisé de déchiffrer ces mots gravés en lettres grecques de forme dégradée, et quand on a pu les lire, de comprendre ces formules empruntées soit à l’ancien égyptien, soit à l’hébreu et à diverses langues sémitiques. Nous essaierons toutefois, autant qu’il est possible en matière si obscure, d’indiquer ce qui peut être plus ou moins éclairci en décrivant chacun de ces singuliers monuments des aberrations de l’esprit humain.