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qui s’accomplît, je souhaiterais d’avoir des ailes et de devenir une alouette.

Et voilà, au même instant, les manches et les pans de son habit qui se raccourcissent et se changent en ailes, le reste qui se couvre de plumes et les galoches qui se tournent en griffes, Il s’aperçoit fort bien de la métamorphose.

— Je savais bien que je rêvais, se dit-il en riant ; mais je n’ai jamais fait un songe aussi ridicule.

Là-dessus il s’envole au milieu des branches vertes, et se met à chanter de toutes ses forces ; mais ce chant était médiocre ; le poëte avait disparu.

— Eh bien, disait-il, ce sera une existence fort agréable : le jour, je confectionnerai des actes au bureau de police, et, la nuit, je voltigerai dans la campagne sous la forme d’une alouette. On pourrait faire une féerie sur ce sujet.

Il descendit dans l’herbe, et s’y promena, en explorant tous les petits replis du sol, et becquetant les tiges de graminées qui lui faisaient l’effet des palmiers de l’Afrique. Tout à coup il se trouva enseveli dans une nuit profonde ; c’était un enfant qui l’avait couvert de sa casquette. Bientôt une main parut et saisit l’employé par les plumes.

— Insolent gamin ! s’écria-t-il, prends garde à ce que tu fais ; je suis employé de la police.

Mais ces paroles ne résonnaient aux oreilles de l’enfant que comme de chétifs piaulements. Il partit tout joyeux avec sa proie, et, au sortir des bois, il la céda pour la somme de trois sous à deux collégiens. Ces derniers emportèrent l’alouette à la ville.