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extrémités dès le seizième. Ils n’ont guère régné que sur une moitié de la Russie d’Europe, et la plus grande partie de ce territoire, ils ne l’ont pas maintenue sous leur domination directe, mais seulement sous leur suzeraineté ; ils n’ont pas détruit les souverainetés russes, ils se sont contentés de les rendre tributaires. Les Arabes ont colonisé les plus belles contrées de l’Espagne, celles qui sont encore aujourd’hui les plus fertiles et les plus peuplées ; les Tatars se sont répandus dans les parties encore les moins habitées de la Russie, sur les steppes du sud et de l’est. Vers le centre, ils ne se sont avancés que le long des fleuves, remontant le Volga et ses affluents, comme le montre encore leur répartition actuelle. Ce n’était même point au milieu des Russes que pénétraient ces colons d’Asie ; — les Russes avaient alors à peine atteint le bassin central du Volga et le confluent de ce fleuve avec l’Oka à Nijni-Novgorod ; c’était au milieu de peuples finnois dont nous voyons les restes dans les Mordves, les Tchérémisses, les Tchouvaches, et dont plusieurs, comme ces derniers, se sont laissé tatariser. Les Turcs de Russie n’ont point, comme les Arabes d’Espagne, enfanté une riche et industrieuse civilisation ; loin de s’adonner tous à la vie sédentaire et agricole, ils étaient en partie demeurés nomades. Leurs villes étaient peu nombreuses, et les plus grandes étaient petites en comparaison des capitales des Maures d’Andalousie. Avec un territoire quatre ou cinq fois plus vaste, il est douteux que la Horde-d’Or ait jamais approché de la population du khalifat de Cordoue. L’analyse des deux langues suggère des conclusions analogues. La marque de l’arabe sur l’espagnol est incomparablement plus profonde que celle du turc ou tatar sur le russe.

Les Tatars musulmans ont-ils plus contribué à la formation du peuple russe, parce que, au lieu d’expulser les mahométans ainsi que la catholique Castille, la Moscovie orthodoxe leur a laissé leur religion et leur nouvelle patrie ? Le contraire est peut-être plus vraisemblable. En