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vropol. Ce sont ces 25 ou 30  000 familles nomades, errant à une extrémité de l’empire, dont le nom a si souvent été appliqué, comme un sobriquet, au peuple russe. À première vue, leur type à la chinoise les distingue presque aussi nettement des Tatars que des Russes. Dans ces régions du bas Volga, encore aux trois quarts asiatiques et de sang si mêlé, l’isolement ethnique du Kalmouk est sensible à l’œil le moins exercé. Chose remarquable, au lieu d’être entrés en Europe à la suite de Batou et des successeurs de Ginghiz, ces Mongols du Volga ne se sont établis dans cet angle désert de la Russie qu’à une époque relativement récente. C’est au dix-septième siècle que, après une longue migration, des frontières de la Chine au fleuve Oural, ces sujets spirituels du dalaï-lama du Thibet entrèrent dans les steppes du Volga. Profitant de la rivalité héréditaire des tribus mongoles et des tribus tatares, la Russie employa, avec succès, ces nouveaux venus dans ses guerres contre les Turcs et les khans de Crimée ; mais les tentatives du gouvernement de Pétersbourg pour les mettre dans une dépendance plus directe en décidèrent le plus grand nombre à reprendre le chemin de leur première patrie. Ils partirent en masse, donnant au dix-huitième siècle le spectacle des grandes migrations de l’antiquité. Dans l’hiver de 1770, de 200  000 à 300  000 Kalmouks passèrent, avec leurs troupeaux, le Volga et l’Oural sur la glace. Le dégel arrêta les autres, qui se décidèrent à rester en Russie, pendant que leurs frères regagnaient, malgré les attaques des Kirghiz, leurs anciennes demeures aux confins de l’empire chinois.

Les Kalmouks, demeurés dans les steppes ciscaspiennes sous la souveraineté russe, étaient naguère encore tous bouddhistes ; ils avaient pour chef un grand lama nommé, depuis Alexandre Ier, par le tsar, et dont la résidence était voisine d’Astrakan. Un fait qui, sur leur destinée respective, a eu une influence capitale, c’est que les trois principales branches de la race ouralo-altaïque se sont partagées