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plexes de nos idiomes à flexions. Ils ont pour la musique, pour la poésie un goût inné, dont on distingue le germe chez les plus barbares de leurs tribus nomades, et qui a valu à la Finlande toute une littérature populaire, tout un cycle poétique indigène, avec une épopée dont les nations les plus avancées de l’Occident se feraient honneur[1]. À ces qualités d’âme et de sentiment s’en joignent d’autres d’intelligence et de caractère. Si les Finnois ont quelque parenté avec les Mongols et les peuples de l’extrême Orient, ils ont les vertus de ces races asiatiques, qui, là où elles se trouvent en lutte avec la nôtre, soutiennent si bien la concurrence : ils en ont la solidité, la patience, la persévérance. C’est peut-être pour cela qu’à tous les pays, à tous les États où se rencontre leur trace, les Finnois semblent avoir communiqué une singulière force de résistance, une singulière vitalité.

Ces qualités se sont manifestées avec éclat chez les Magyars, qui, en dépit de leur petit nombre, ont maintenu leur domination entre les Allemands, les Slaves et les Turcs ; on a cru les retrouver chez les Bulgares, le plus rude, le plus travailleur, le plus patient des peuples chrétiens de l’ancienne Turquie ; et si, comme le veut M. de Quatrefages, combattu par Virchow, l’élément finnois a vraiment joué un rôle important dans la vieille Prusse, la Prusse lui doit peut-être quelque chose de la vigueur et de la ténacité, qui ont fait sa fortune[2]. En Russie même, les Finnois, loin d’être partout inférieurs aux Russes proprement dits, laissent voir parfois à plus d’un égard une réelle supériorité. Si rien n’est plus pauvre que la cabane d’un Tchouvache du Volga avec son toit d’écorce

  1. Le Kalévala, recueil de rapsodies populaires, coordonné au milieu da siècle par le savant finlandais Lönnrot et traduit en français par M. Léouzon Le Duc, avec l’aide même de Lônnrot (édit. de 1845, 1867, 1879).
  2. Pour les Bulgares, il ne saurait guère y avoir de doute, bien qu’un savant russe entraîné par un patriotisme slavophile rétroactif, M. Hovaïski, ait prétendu démontrer que les Bulgares étaient des Slaves purs de tout alliage finno-ouralien.