Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À ne considérer que la répartition des tribus finnoises, de l’Oural et du grand coude du Volga à la Neva, on voit que la principauté de Moscou et les apanages voisins étaient compris dans l’ancien territoire dés Tchoudes. Leur diffusion apparaît encore plus grande, si l’on observe les noms géographiques, car, dans maintes contrées aujourd’hui entièrement russes, les noms de lieux, de villages, de rivières, sont demeurés finnois. Moscou, comme plus tard Pétersbourg, comme avant elle Novgorod, a été bâtie en plein pays tchoude. Il en a été de même de Souzdal, de Vladimir, de Tver, de Riazan, de toutes les capitales des kniazes de la Grande-Russie. En face de tels faits, n’est-il pas permis de regarder, dans tout le centre et le nord, le vieux sang finnois comme un des principes constitutifs de la jeune nation russe ?

Ce n’est pas seulement sur l’histoire et sur les cartes ethnographiques que s’appuie cette induction, c’est sur les traits mêmes du peuple. Sans cette marque indélébile, on pourrait se demander si les colons, qui ont apporté la langue slave en Russie, se sont mêlés aux indigènes, ou si, comme les Anglo-Saxons en Amérique, ils les ont simplement repoussés en prenant leur place. Un examen attentif montre que l’un et l’autre phénomène ont eu lieu simultanément. La répartition actuelle de leurs tribus fait croire que les Finnois ont été, en effet, refoulés par les Slaves de deux côtés, à l’ouest vers la Baltique, à l’est vers l’Oural et le cours moyen du Volga ; l’anthropologie prouve qu’il n’y en a pas moins eu un mélange, dont maint visage russe porte encore la trace. La façon dont l’élément slave absorbe aujourd’hui les groupes finnois, qu’il russifie peu à peu sous nos yeux, nous fait comprendre le passé. Par leur russification même, toutes ces tribus accroissent la part de leur race dans la nation qui se les assimile. C’est comme un courant touranien, comme des sources finnoises qui, se déversant depuis des siècles dans les veines du peuple russe, y augmentent sans cesse la proportion du