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de satin noir, avec un corsage violet clair, et pour coiffure un bandeau de brocart, danse en agitant un tambour de basque. Au fond de la grande salle, dans une niche obscure, un groupe à demi nu des derniers Guèbres de Bakou adore le feu sacré.

L’impression que donne ce musée, où un seul État offre tant de types humains, une simple carte ethnographique la donne presque au même degré. Les couleurs ont à peine assez de nuances pour qu’on en puisse assigner une à chaque tribu ; par leur bigarrure et leurs bizarres entrelacements elles rappellent les cartes géologiques des pays aux formations les plus compliquées. Devant les cartes de Kœppen ou de Rittich, comme dans le musée Dachkof, il semble, au premier abord, que dans ce pays, où la terre et la nature inanimée ont une telle unité, il n’y ait que confusion parmi les races humaines.

La configuration du sol russe explique cette quantité de races diverses, qui paraît si peu en harmonie avec elle. Sans frontière définie à l’orient ni à l’occident, la Russie a été ouverte à toutes les invasions, elle a été la grande route d’émigration d’Asie en Europe. Nulle part les couches des alluvions humaines n’ont été plus nombreuses, nulle part elles n’ont été plus mêlées, plus brisées et disloquées que sur ce lit aplani où chaque flot, poussé par le flot suivant, ne rencontrait d’obstacle que dans la vague qui l’avait précédé. À l’époque historique seule, il est difficile d’énumérer les peuples qui se sont établis sur le sol russe et y ont formé des empires plus ou moins durables, Scythes, Sarmates, Goths, Avares, Bulgares, Ougres ou Hongrois, Khazars, Petchénègues, Koumans, Lithuaniens, Mongols, Tatars, sans compter les vieilles migrations des Celtes et des Germains ou des peuples dont le nom même à péri, mais dont les plus obscurs ont pu laisser dans la population une trace aujourd’hui impossible à retrouver.

Si la configuration de la Russie la livrait à toutes les invasions, la structure du sol russe interdisait aux envahis-