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veloppement des villes et des campagnes des bords du Don et du Volga, à la hauteur de Voronège et de Saratof, n’a guère été moins rapide.

L’aspect de toutes ces villes du Sud et de l’Est répond à leur récente origine. Comme dans le far-west des États-Unis, elles sont toutes bâties sur un large plan, toutes semblables les unes aux autres, sans intérêt, sans individualité, sans autre différence que la diversité de la position. Comme en Amérique, elles couvrent bien plus d’espace que les villes européennes d’égale population ; on sent qu’elles ont été construites moins pour le présent que pour l’avenir, pour un développement indéfini qui n’est point toujours venu aussi vite qu’on l’espérait. Avec leurs vastes édifices publics, leurs ambitieux boulevards et ces larges rues que les générations futures seules rempliront, les plus prospères ont un air inachevé, à la fois provisoire et prétentieux, peu agréable aux voyageurs. Comme en Amérique, les villes, au lieu de suivre les pas de l’agriculture, l’ont souvent précédée ; mais aussi, plus d’une de ces présomptueuses cités a été, au lendemain même de sa fondation, abandonnée pour une rivale mieux placée, et demeure avec ses places démesurées et ses muettes avenues qu’aucune foule n’animera jamais.

Il est curieux de mesurer dès maintenant les conquêtes de la colonisation russe, de compter combien de parallèles de latitude, combien de degrés de longitude elle a, du nord au sud, de l’ouest à l’est, gagnés sur la nature ou sur la barbarie. C’est toute cette vaste région des steppes et de la Terre noire, l’ancienne demeure du cavalier scythe, tatar ou cosaque. Ce sont les rives de la mer Noire et de l’Azof, où, au commencement des temps modernes, les Génois avaient encore des comptoirs fortifiés, comme nous en avons le long des côtes de Guinée. C’est le bassin du Don à l’est du méridien du Jourdain, et le cours central du Volga à l’est du méridien des sources de l’Euphrate. C’est la plus vaste, presque la seule conquête de l’Occident sur l’Orient,