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l’indice d’un revirement d’opinion en faveur de la propriété personnelle. D’après un propriétaire du gouvernement de Pskof, une des principales raisons qui amènent à un partage définitif, c’est, après le désir d’échapper à la responsabilité solidaire, l’augmentation de la population qui, en restreignant la part de chacun à chaque nouveau partage, fait tomber les lots au-dessous des allocations fixées par l’acte d’émancipation et déjà elles-mêmes parfois insuffisantes. Or, il y a là, pour les communautés de villages, un danger que le temps peut aggraver jusqu’à le rendre mortel, à moins qu’au partage périodique on ne sache substituer un autre mode d’exploitation.

Les exemples de dissolution de la communauté suffiraient, en toute circonstance, à montrer que la loi actuelle est loin d’opposer, à la division du fonds communal, une barrière insurmontable. Les partages définitifs, fort rares durant les premières années, le sont devenus beaucoup moins durant les dernières. Le paysan s’est mis à user plus souvent d’un droit de dissolution dont, dans les premiers temps, il ignorait souvent l’existence[1]. Avec la législation en vigueur, le sort du régime collectif est entre les mains des intéressés ; le jour où le mir aura contre lui une sérieuse majorité, il tombera devant un simple vote. Un large mouvement d’opinion parmi les moujiks, et c’en est assez pour que la Russie, si riche en terres communes, en soit plus dépourvue que notre France.

Ce moment n’est pas encore arrivé. Outre la coutume et la tradition qui, sur les moujiks, gardent un grand empire, plusieurs raisons et plusieurs préjugés militent contre un

    a repris l’ancienne coutume. Ailleurs on ne renonce à la communauté qu’en apparence, pour échapper à la solidarité fiscale.

  1. Dans les neuf ou dix années qui ont suivi l’émancipation, on ne comptait peut-être pas cent communes ayant abandonné la tenure collective ; depuis, au contraire, d’après les Materialy, publiés en 1880 par le ministère des domaines, on a vu, dans trois districts du seul gouvernement de Toula, cent quarante communes renoncer à la communauté, et des faits analogues se sont produits en d’autres provinces, dans celle de Tver, par exemple.