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Si, en plusieurs contrées, la dotation territoriale des paysans a manifestement été trop faible pour se prêter aisément au régime du mir, on n’en saurait dire autant partout. Le lot communal, le nadêl, attribué à la plus grande partie des moujiks, semblerait considérable en tout autre pays que la Russie. D’après les statistiques, la moyenne pour l’ensemble de l’empire serait d’environ 16 ou 17 desiatines par dvor ou cour, c’est-à-dire par famille[1]. Cette moyenne, il est vrai, s’abaisse naturellement beaucoup dans les plus peuplées et les plus fertiles régions de la Terre noire. Là, comme d’ordinaire, les paysans de la couronne, dotés sur les biens de l’État qui, dans ces provinces, leur a concédé presque toutes ses terres labourables, ont été plus favorisés que les anciens serfs qui ont été obligés de partager le sol avec leurs maîtres et qui, pour s’exempter de toute redevance, ont parfois préféré eux-mêmes le minimum gratuit, autorisé par la loi[2]. Dans ces riches provinces de Voronège, Tambof, Koursk, Penza, la moyenne des allocations territoriales oscillait encore entre 15 et 10 desiatines par famille, sans descendre notablement au-dessous de ce dernier chiffre[3] ; mais il faut se

  1. La desiatine vaut 1 hectare 9 ares.
  2. Pour ces derniers, au nombre de 600  000, on a proposé de revenir sur le règlement de 1861 en autorisant les paysans à racheter, avec le concours de l’État, les terres auxquelles ils ont naguère renoncé. Voyez, par exemple, la Rouss, no 4, nov. 1880.
  3. D’après les données les plus récentes, pour les huit gouvernements de la zone centrale agricole, les communes de paysans de la couronne et des apanages, comptant une population masculine effective de 2 901 000 âmes et une population inscrite de 2 318 000 âmes, ont reçu 11 092 000 desiatines. Les communes d’anciens serfs seigneuriaux, dont la population inscrite montait à 2 456 770 habitants mâles et la population effective à 2 929 000, n’ont eu en partage que 6 539 000 desiatines. Les paysans de la couronne ont donc eu en moyenne près de 5 desiatines (4, 8) et les paysans des particuliers près de 3 (2, 9) desiatines par âme de capitation ; mais, grâce à l’augmentation rapide de la population, la part moyenne des premiers se trouve aujourd’hui réduite à moins de 4 (3, 8) et celle des derniers à 2, 2 desiatines, ce qui représente encore, chez les uns, plus de 13 desiatines par famille et chez les autres 7 1/2. Statistika posemelnoï sobesivennosti i naselennikh mési Evropeiskoï Rossii, St-Pét., 1880, publication du comité central de statistique.