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souffrent la production et la population rurales, on s’expose à de graves mécomptes pour le jour où serait fermée la plaie dont on fait découler tout le mal.

Les reproches, le plus fréquemment et le plus justement faits à la commune russe, le sont au nom de l’agriculture d’un côté, au nom de l’activité individuelle de l’autre. Nous avons signalé les inconvénients agricoles en décrivant le mode de partage. La plupart se peuvent ramener à deux points — courte période de jouissance, et par suite négligence du cultivateur et épuisement de la terre ; — extrême fractionnement du sol et dispersion des parcelles, rendant toute culture rationnelle impossible. Les tristes effets de ce régime sont partout mentionnés dans les enquêtes agricoles. C’est ainsi que, dans certaines régions, dans le gouvernement de Symbirsk, par exemple, le prix de location des terres communales serait en moyenne d’un tiers ou de moitié inférieur au prix de location des terres individuelles[1]. C’est ainsi que les récoltes en froment, en seigle, en avoine, seraient généralement d’un ou deux tchetvert par dessiatine (soit de 2 à 4 hectolitres par hectare), plus élevées sur les terres des propriétaires que sur les terres des paysans.

Quand tout cela serait exact, répondent les avocats de la commune, c’est avec le système de répartition en usage jusqu’à ces dernières années ; mais ces méthodes peuvent changer, elles sont déjà en train de le faire. Ni les partages annuels ou rapprochés, ni même le parcellement extrême et la dispersion des parcelles, ne sont de l’essence de la propriété collective et n’en sont inséparables. Ce mode de propriété a pu se lier dans le passé à la culture extensive sans qu’il lui soit interdit de se prêter à une culture plus savante, à mesure que le nombre des habitants, l’ouverture des débouchés ou l’appauvrissement d’un sol jadis vierge le rendront nécessaire. À cet égard, êtes-vous bien

  1. Travaux de la commission d’enquête agricole, t. II.