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faut capital, selon tes autres, c’est, tout comme au temps du servage, la solidarité devant le fisc.

On a vu, par l’exemple d’Arachine, quel rôle joue dans le mir cette solidarité fiscale. La répartition du sol est dans l’entière dépendance de la répartition de l’impôt, et cette dernière est déterminée par des considérations de nature fort variable. C’est cette solidarité ou caution mutuelle (krougovaia porouka) qui érige le mir en juge des forces et facultés de chacun, qui le rend souvent maître de donner, de retirer, d’imposer la terre à son gré. Cette souveraineté, la plupart des apologistes des communautés de village assurent que le mir n’en use d’ordinaire que pour le bien de tous ses membres, s’appliquant avec la plus stricte équité, avec la plus scrupuleuse sollicitude, à compenser toutes les inégalités, à éviter toutes les injustices. Ainsi compris, le mir serait pour le paysan une sorte de providence terrestre, la commune, une mère attentive à ce qu’aucun de ses enfants n’ait une t&che au-dessus de ses forces. Un village, tel qu’Arachine, est une sorte de Salente ou d’Icarie rurale, dans laquelle d’ignorants moujiks auraient réalisé, depuis des siècles, les rêves les plus hardis des songeurs d’Occident. Pour faire de ces communes un véritable Eden, il suffirait d’alléger le poids des taxes.

Depuis Herzen, bien des écrivains russes ont loué l’esprit de solidarité des paysans, leur bonne foi et leur bon sens dans leurs rapports entre eux et dans toutes leurs délicates opérations d’arpentage et de partage. Ces éloges sont souvent mérités ; mais, s’ils l’étaient toujours, le moujik ne serait pas un homme. De tels procédés prêtent trop aux abus de toute sorte pour que le mir eu reste exempt. Aussi les détracteurs des communautés de village ne sont pas embarrassés pour y découvrir des taches et des désordres.

La solidarité fiscale qui, dans un village tel qu’Arachine, se présente comme la fée bienfaisante du mir, apparaît